La consolidation de la paix numérique
La diffusion de la technologie numérique dans le SudanoSahel transforme la manière dont les communautés pastorales pratiquent leur moyens de subsistance dans un contexte d’instabilité environnementale, sociale et politique croissante. Bien que le pastoralisme soit souvent... Lire la suite
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La diffusion de la technologie numérique dans le SudanoSahel transforme la manière dont les communautés pastorales pratiquent leur moyens de subsistance dans un contexte d’instabilité environnementale, sociale et politique croissante. Bien que le pastoralisme soit souvent considéré comme une pratique propre à une ère pré-moderne, il a toujours été adaptatif, et les pasteurs s’adaptent aujourd’hui à l’ère numérique. La diffusion rapide d’appareils mobiles bon marché permet aux habitants des zones rurales de communiquer à distance et d’accéder à des informations précieuses. En Afrique subsaharienne, il est prévu, d’ici 2025, que le taux de pénétration des télécommunications mobiles (SIM) atteigne 86 %. En effet, les pasteurs d’Afrique de l’Est ont été les premiers à adopter les applications de téléphonie mobile tandis que ceux d’Afrique de l’Ouest ont été les principaux utilisateurs des services d’information climatique basés sur la carte SIM.

En développant l’accès aux nouvelles plateformes et outils technologiques, il devient possible de réduire les risques de conflit en renforçant les services disponibles pour les populations mobiles : de l’accès aux ressources naturelles à la protection contre le vol de bétail (voir module Développement rural). Grâce à l’accès direct aux données géospatiales, les dirigeants locaux et les particuliers sont en mesure de prendre des décisions plus éclairées sur la manière d’harmoniser les routes de migration pastorale et les terres agricoles. Les innovations en matière d’outils de suivi à distance du bétail peut permettre aux autorités de réagir plus efficacement aux vols dans les zones d’insécurité.

Bien que les nouvelles technologies aient le potentiel de soutenir la consolidation de la paix, elles ne constituent pas une solution automatique. Il convient que les investisseurs et les praticiens soient conscients des limites de toute nouvelle technologie, notamment en termes de coût et d’évolutivité. Plus important encore, les efforts déployés pour introduire de nouvelles technologies doivent répondre aux besoins de l’éleveur ou de l’agriculteur local qui les utilisera. En effet, ce ne sont pas toujours les outils les plus innovants sur le plan technologique qui sont les plus efficaces, mais plutôt ceux qui sont accessibles et utiles aux communautés qu’ils sont censés aider.

Dans ce module, nous présentons plusieurs types de technologies numériques qui ont toutes le potentiel de soutenir les résultats de la consolidation de la paix. Bien que bon nombre de ces technologies soient encore en évolution, elles pourraient jouer un rôle important dans l’avenir du pastoralisme dans la région soudanosahélienne.

Questions importantes
STRATÉGIES D’INTERVENTION
Technologie géospatiale
Description

Les communautés locales se sont par le passé accommodées des migrations pastorales grâce à une compréhension partagée des routes par lesquelles passent les troupeaux ainsi que des endroits où ils doivent paître. Au cours des dernières décennies, la pression accrue sur les ressources et les changements dans le calendrier des mouvements du bétail ont néanmoins accru la nécessité d’une délimitation plus stricte des couloirs de migration à l’échelle nationale ou régionale. Les efforts visant à cartographier et à marquer les itinéraires de migration étant complexes et fastidieux, le besoin de soutien technologique se fait de plus en plus sentir. Grâce à l’introduction de la technologie des systèmes de positionnement global (GPS) portables, comme dans les téléphones, et des cartes numériques, les acteurs locaux peuvent avoir facilement accès à des informations complètes et actualisées. En effet, il devient possible d’utiliser le GPS et la technologie de cartographie numérique pour identifier les zones où les ressources saisonnières sont disponibles et où il est nécessaire de créer des couloirs pour relier ces zones à travers les paysages agropastoraux.

Lesdits outils pourront être utilisés en vue de faciliter une gouvernance des ressources qui soit plus inclusive et plus équitable. Ainsi, au Soudan, à titre d’exemple, par le biais de données géospatiales recueillies par GPS et par satellite, les scientifiques et les praticiens cherchent à déterminer les raisons pour lesquelles les troupeaux de bétail entament leurs déplacements saisonniers dans des régions telles que le Kordofan, qui abrite de nombreuses exploitations agricoles à grande échelle susceptibles de bloquer les mouvements du bétail. Il est donc plus facile de sensibiliser le public aux accords d’utilisation des terres et de les protéger contre les abus (comme le déplacement du bétail dans des zones non autorisées ou l’expansion des exploitations agricoles dans les couloirs de migration), lorsque les ressources ou les couloirs de migration sont identifiés sur une carte. Cela dit, l’accès aux données géospatiales et même aux appareils GPS portatifs reste inégalement réparti dans le Sudano-Sahel. Pour cela, il est primordial que les intervenants soient conscients du risque que la transition vers l’utilisation de nouvelles technologies puisse renforcer les inégalités économiques et régionales.

Qu’est-ce qui fait le succès des interventions avec des outils géospatiaux ?
Qu’est-ce qui fait échouer des interventions avec des outils géospatiaux ?
Exemple
UNE BASE DE DONNÉES SUR LES COULOIRS ET LES ZONES DE PÂTURAGE EST TENUE À JOUR PAR LES RÉSEAUX PASTORAUX AU BURKINA FASO
Technologie anti-vol
Description

Les bandits et les groupes armés s’en prennent fréquemment au bétail pastoral et aux éleveurs qui l’emmènent en migration, ce qui contribue à la prolifération des armes légères (voir module 7). En effet, le bétail constitue une cible attrayante, du fait notamment qu’il peut être facilement caché dans une zone isolée telle qu’une forêt protégée ou rapidement vendu sur un marché voisin. Une fois volés, le bétail devient difficile à retrouver et à récupérer. Face à la recrudescence des vols de bétail dans les pays soudanosahéliens, il devient impératif de trouver des solutions technologiques innovantes pour contrôler les parcours pastoraux. Ainsi, au Sénégal, à titre d’exemple, le réseau mLouma permet aux éleveurs de communiquer rapidement aux autorités chargées de l’application de la loi les incidents de vol par le biais de l’internet et des réseaux cellulaires, afin de faciliter le suivi des traces et la récupération rapide du bétail. Des véhicules aériens sans pilote (UAV), appelés aussi drones, ont également été utilisés pour surveiller des zones isolées où les voleurs peuvent tenter de cacher du bétail volé avant de pouvoir le vendre.

La technologie la plus souvent utilisée pour le suivi les traces du bétail est l’étiquette d’identification par radiofréquence (RFID). En effet, grâce aux dispositifs RFID, il devient possible de suivre les traces des animaux à distance (sur une distance limitée) et d’assurer une plus grande transparence quant à l’achat et à la vente de bétail. Les dispositifs RFID contiennent un enregistrement électronique indiquant la propriété d’un animal, ainsi que des dossiers vétérinaires et d’autres informations. Le recours à cette technologie rend plus facile la régulation des marchés de bétail et donne aux marchands la possibilité de vérifier avec précision le propriétaire d’une vache avant sa vente. Il est potentiellement possible de transformer les marchés du bétail en ayant recours à des dispositifs RFID conjugués à des systèmes d’enregistrement électronique infalsifiable (par exemple, la blockchain), et ce, en remplaçant les enregistrements papier de la santé ou de l’origine d’un animal par des enregistrements numériques plus sécurisés. Ce type d’outils peut rendre le commerce du bétail plus transparent et plus facile à réglementer, et partant, à diminuer la valeur marchande du bétail volé et à rendre le secteur plus attractif pour les investisseurs. Néanmoins, dans la région soudano-sahélienne, chacune des technologies décrites dans cette section reste d’un usage limité, et tout particulièrement dans les régions qui échappent au contrôle effectif des forces de l’ordre.

Qu’est-ce qui fait le succès des technologies antivol ?
Qu’est-ce qui fait échouer les technologies antivol ?
Exemple
LES PASTEURS NIGÉRIANS ALERTENT LES AUTORITÉS EN TEMPS RÉEL EN CAS DE VOL DE BÉTAIL
Exemple
LES MARCHÉS DU BÉTAIL DE L’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE EXPÉRIMENTENT LES SYSTÈMES DE TRAÇABILITÉ.
Services d’information climatiques
Description

La survie dans les climats sahéliens arides exige que les pasteurs soient capables de s’adapter aux conditions changeantes de leur environnement. Pour la survie des troupeaux pastoraux, en particulier pendant les périodes de sécheresse, il est indispensable de savoir où accéder à l’eau de surface et aux pâturages tout au long de l’année. Traditionnellement, les pasteurs faisaient face à cette incertitude par des approches non numériques, comme l’envoi d’éclaireurs devant leurs troupeaux. Néanmoins, les services numériques d’information climatique permettent de fournir aux pasteurs des données plus détaillées sur la disponibilité des ressources ou sur les schémas météorologiques et ce, grâce à une combinaison d’images satellites, d’outils de géoréférencement et d’informateurs sur le terrain. Ensuite, ces informations peuvent être transmises au public par voie d’émissions radiophoniques, de SMS, de centres d’appel ou d’applications pour appareils mobiles. Fréquemment, ces services ne se limitent pas aux données climatiques mais couvrent une série d’autres informations pertinentes, notamment les prix du bétail, l’emplacement des stations vétérinaires et des parcs de vaccination, l’apparition de maladies, les concentrations de bétail et les zones de conflit. Les progrès de l’informatique en nuage et de l’interface utilisateur facilite un lien transparent entre la source de données et les utilisateurs locaux. Il est ainsi possible pour les pasteurs des zones reculées de disposer d’informations qui les aident à planifier leurs itinéraires de migration, à trouver les ressources nécessaires et, parfois, à éviter les confrontations avec les agriculteurs, les bandits ou d’autres pasteurs.

En outre, les données climatiques peuvent servir à orienter les investissements dans la stabilisation, le développement et les réponses aux conflits. En effet, grâce aux progrès des outils d’analyse des données, il est désormais possible pour les experts d’anticiper les risques de sécheresse ou de pénurie de ressources susceptibles de déplacer les communautés pastorales et de déclencher des conflits locaux. Fortes de ces informations, les agences de développement et d’autres acteurs peuvent prendre des mesures préventives pour venir en aide aux communautés pastorales et sédentaires avant qu’elles ne soient dévastées par des catastrophes naturelles et avant que les conflits ne dégénèrent.

Qu’est-ce qui fait le succès des services d’information climatique ?
Qu’est-ce qui fait échouer les services d’information climatique ?
Exemple
LE SERVICE D’ALERTE PRÉCOCE FOURNIT AUX ÉLEVEURS D’AFRIQUE DE L’OUEST DES INFORMATIONS EN TEMPS RÉEL
Exemple
LES DONNÉES CLIMATIQUES PRÉDISENT LES RISQUES DE CONFLIT EN SOMALIE